interview

P.Christian, vous venez de publier votre dernier ouvrage, Sorties de Violence…, pourquoi ce titre?

-Un livre sur la violence me semble utile aujourd’hui… la violence est à l’ordre du jour, elle est partout, instrumentalisée pour faire peur et elle fait peur. Il était essentiel pour moi que cette problématique ne soit pas récupérée pour dire tout et n’importe quoi… Mon but est de décrire la violence que nous vivons et de proposer une recherche sur ses origines, avant de chercher des sorties possibles. Rappelons que la violence est présente dans la Bible dès les origines : Caïn tue son frère Abel… En outre, le Dieu de la Bible est souvent violent et l’Ancien Testament nous le montre volontiers sous des aspects redoutables…Mon projet fut de souligner des facettes de Dieu plus évangéliques et de cerner la nature de la violence humaine.

Vous insistez beaucoup dans votre livre sur le «désir mimétique» cher à René Girard, ce penseur vous a-t-il influencé?

-J’ai beaucoup travaillé sur l’œuvre de ce penseur même s’il est de bon ton de critiquer ses écrits. On lui reproche de répéter à l’infini sa théorie du désir mimétique et de tout ramener à elle. René Girard est surtout reconnu hors de France, bien que certains philosophes français se déclarent proches de lui comme Jean-Claude Guillebaud et Michel Serres.

C’est durant mon séjour à Madagascar que j’ai étudié ce «désir mimétique»… Ce qui a débouché sur l’écriture de Violences Malgaches. Sorties de Violence continue à exploiter l’analyse de René Girard : c’est en cherchant à imiter et à rejoindre les adultes que l’enfant se construit et nous poursuivons notre progression en nous mesurant aux autres. En même temps, ce désir est à l’origine de la violence qui nous est inhérente. La force de R. Girard est de mettre en lumière l’ambivalence du désir mimétique : sans lui on ne peut pas devenir un homme mais il peut conduire au pire quand il s’exacerbe.

Pourquoi est-il si important pour vous de proposer une telle analyse de la violence ?

-Il m’a paru essentiel de diffuser en termes simples cette approche des origines de la violence car elle ouvre les yeux et donne des pistes concrètes pour réagir. J’ai cherché à mettre en permanence cette analyse en rapport avec les textes bibliques.

Votre livre, comme son titre l’indique, nous invite à sortir de la violence…

-Pour que la vie sociale devienne possible, il a fallu trouver des moyens de sortir de la violence. L’homme s’est donné des lois et il a utilisé le « bouc émissaire » qui permet à une société de reporter la responsabilité du mal sur une personne ou un groupe. La violence se cristallise ainsi durant une période, la paix et la cohésion sociale sont assurées, mais pour un temps seulement : la violence resurgit et il faut trouver un nouveau bouc émissaire… comme on le voit dans notre actualité.

Quelle est la solution ?

-Pour nous chrétiens, changer c’est « se convertir ». Sortir de la violence, c’est en effet se changer soi-même et changer la société sans casser l’élan vital et créateur que constitue le désir mimétique. Il s’agit de vivre ce désir tout en évitant ses dérives qui conduisent à la violence, ce qui n’est jamais totalement acquis mais toujours à reprendre. Dans mon livre je consacre plusieurs pages aux péchés capitaux, pour expliquer qu’ils sont là pour nous servir de garde-fous contre les excès et non pour tout nous interdire. Je donne une grande place aux Béatitudes, au Sermon sur la Montagne, à l’invitation à tendre l’autre joue, à l’amour des ennemis et au Jugement Dernier (Matt,25)…, parce que c’est dans ces textes que Jésus nous donne les moyens de le suivre et de vivre sans tomber dans l’engrenage de la violence. Pour que le processus sacrificiel du bouc émissaire éclate au grand jour et devienne intolérable, il est allé jusqu’à mourir sur la Croix…

Notre société moderne porte-t-elle la marque du passage de Jésus? Peut-elle se passer du message du Christ ?

-Le monde a été transformé par le christianisme, c’est notre espérance ; et pourtant on accuse volontiers les religions d’être la cause de la violence. Je pense au contraire, après René Girard, que c’est lorsque la société s’éloigne des valeurs chrétiennes que la violence explose. Quand le marxisme, le nazisme, le capitalisme prennent le pas sur la loi d’amour, la violence l’emporte et on aboutit à des catastrophes. A nous de transmettre le message de Jésus…

                     Propos recueillis par Marie-Laure Vigier et Sabine Bianco

bibliographie:

           Etre mystique (éd. du Cerf)

                      0ser des projets (éd.de l’Atelier)

                      Le Malgache n’est pas une île (Foi et justice)

                      Violences Malgaches (Foi et justice)

                      Sorties de Violence (éditions du Net) en vente au SDPC 

                                                                                              et sur : www.leseditionsdunet.com    

 

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