Religion et violence 2

Ce n’est pas la religion qui est à l’origine de la violence mais le pouvoir quand il tend vers l’absolu. Il n’y a pas de raison de mettre en cause les seules religions parmi les visions globales du monde, ni seulement les responsables d’église parmi les hommes de pouvoir. L’histoire récente me semble en apporter la preuve.

Je ne sais pas trop quelles sont les causes de la guerre de 14-18, la préférée de Brassens, sans doute les nationalismes. En tout cas, les 10 millions de morts ne sont pas à imputer aux religions mais à des recherches de suprématies bien humaines.

La deuxième guerre mondiale a fait beaucoup mieux, "elle fut longue et massacrante" chante le même Brassens qui ne lui accorde injustement qu’un premier accessit : entre 50 et 60 millions de morts. Les nazis qui en étaient les instigateurs étaient des antichrétiens notables, fortement marqués par ce qui n’était pas encore l’écologie : l’amour de la nature, des forêts, du pays, de la pureté de la race, des racines païennes germaniques…

Cette guerre s’est terminée en apothéose : plus de 100 000 morts en deux jours à Hiroshima et Nagasaki, sans compter les suites. Les responsables ? Des physiciens, tant et si bien que j’ai entendu Michel Serres dire que des pratiquants de cette discipline ont préféré changer de domaine quand ils ont vu ce que leur science pouvait produire. À l’époque, la biologie était moins dangereuse, ce qui est moins sûr aujourd’hui.

Difficile d’évaluer le nombre de millions de morts que le communisme a provoqués. 100 millions ? Plus ? Ces régimes se distinguaient et se distinguent encore par leur violence contre les religions, entre autres, certains étaient bouddhistes en plus comme les Khmers Rouges…

Que l’on m’entende bien : loin de moi l’idée de mettre toutes les visions globales du monde dans le même sac. Nous en avons besoin pour nous situer dans l’existence et prendre du recul par rapport à notre vie. Ce n’est pas parce que la Révolution française s’est terminée par la Terreur et l’Empire que les valeurs qu’elle défendait n’était pas bonnes. Ce n’est pas parce que l’écologie faisait partie de l’idéal des nazis qu’il faut la condamner, pas plus que le bouddhisme, les idéaux du communisme, de la science ou de l’athéisme. Je veux dire simplement que, si l’on se met à compter les morts, les fous de Dieu, de Torquemada à Ben Laden, ne sont pas les champions. 

Se jeter des hécatombes à la figure ne mène à rien, mieux vaut nous mettre à la recherche de raisons d’espérer et de moyens pour construire un monde meilleur. Ce n’et pas parce que les plus belles productions de l’homme peuvent être perverties qu’elles sont à rejeter, mieux vaudrait s’en inspirer pour lutter contre le mal qui nous ronge.

Je voudrais finir le tour des horreurs par le libéralisme parce qu’il me semble symboliser le mieux le désir mimétique que René Girard désigne comme la source de la violence. Il a certes beaucoup de cousins mais c’est lui qui parle le mieux du toujours plus d’argent, plus de production, de consommation et de pouvoir ; il chante les mérites d’un développement constant, de l’écrasement méthodique des petits et des faibles ; sa main invisible s’étend sur tous les marchés et il transforme tout ce qu’il touche en source de profit potentiel. Il a désenchanté le monde en le réduisant à une source de richesses. De combien de morts est-il responsable lui qui dénonce le terrorisme international qui ne lui arrive pas à la cheville en termes de nuisances ?

Il paraît qu’en bourse le même titre peut changer de mains des milliers de fois par seconde. Il importe peu aux traders qu’il y ait des hommes derrière leurs clics de souris. Des fortunes passent de main en main, certains sont ruinés alors que d’autres s’enrichissent ; mais tout n’est pas dans le virtuel, il y a aussi de vraies usines, des ouvriers en chair et en os, des producteurs qui se trouvent au chômage à cause de ce jeu de fous ; des pays sont en faillite parce que leurs dirigeants ont mal joué ; des entreprises sont délocalisées pour baisser les coûts. Combien de morts de faim, de froid, de désespoir, de mort violente parce qu’il faut bien aussi vendre des armes ?

Le pire est que nous nous rendons complices de ces agissements depuis le retraité qui boursicote sur son ordinateur pour arrondir ses fins de mois, jusqu’au consommateur qui traque les prix les plus bas sans se poser de questions sur la provenance des produits et sur les conséquences de leur fabrication sur les hommes et les pays.

Hollande critique aussi la finance… parfois. Pourquoi pas ? J’ai surtout envie de rejoindre Jésus, très sévère sur le sujet : "vous ne pouvez pas servir Dieu et l’argent". Il ne condamne pas totalement l’argent, ce qui serait utopique, il dit même : "faites-vous des amis avec l’argent malhonnête". On peut se servir de l’argent, mais pas le servir. J’avais dit beaucoup de choses sur ce sujet le 17 décembre 2008, dans ce blog : Dieu aime-t-il l’argent ?

La mode est au dénigrement. Pour faire croire qu’on est intelligent, il faut se moquer de tout ce que l’on respectait auparavant. Il ne reste plus que le paraître. Il est de bon ton de prétendre ne croire en rien, de s’amuser et de faire rire. Il reste l’argent, la réussite, le pouvoir, pour beaucoup la survie et une morosité latente que l’on combat en se repliant sur des petits plaisirs en famille ou avec une petite bande d’amis, à moins que l’on soit à la rue. L’apéro et les bonnes bouffes voilà à quoi on en est réduit. La vraie violence du libéralisme est là, dans la déstructuration qui fragilise les repères des individus, plus malléables parce qu’ils sont sans défense, terrifiés par le monde qu’ils ne comprennent pas et qui les écrase, apeurés par les menaces portant sur leur travail, leur avenir, attirés par de faux dieux qui ne jouent que sur l’apparence, angoissés par les terrorismes que l’on monte en épingle. Beaucoup sont anéantis de l’intérieur par cette violence sournoise qui sape leurs bases et les empêche de vivre.

Des voix se font entendre pour appeler à la solidarité, à l’amour, au respect des petits, à l’ouverture à un infini, à l’espérance, à l’humanisme. Des gens s’indignent, se révoltent, s’engagent, se regroupent pour échanger et agir, confortent leurs raisons de vivre et leur envie de changement dans la prière et la parole partagée. Face à ceux qui rient, qui dénigrent leurs efforts, qui proclament qu’il est vain de croire aux changements parce que la situation est sans alternative, ils font entendre leur petite voix. On les dit violents alors qu’ils portent l’avenir du monde face à la violence destructrice des puissants qui réduit la vie à la possession et à quelques plaisirs passagers.

Les religions feraient bien de s’engager en masse contre les forces de mort, elles qui ne promettent que la vie.

 

Une réflexion sur « Religion et violence 2 »

  1. Bravo, belle synthèse, tout à  fait d’accord sur chacun des paragraphes :
    – les religions et la violence
    – le libéralisme aveugle qui appauvrit, écrase, isole et tue
    – le dénigrement, la destructuration sournoise par l’argent

    Bravo, j’avais justement un collègue qui me disait qu’il fallait supprimer toutes les religions car c’était elles qui avaient été la cause de toutes les guerres… dommage que j’ai pas lu votre article avant, j’aurais pu lui répondre quelque chose d’intelligent.

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